par Jeremy Dumont
Je suis à l’École du syndicalisme, dans le cadre enchanteur du Château Montebello, en tant que participant au Programme de perfectionnement des dirigeantes et dirigeants des sections locales (PPDSL). Au programme aujourd’hui, une élection simulée. La course est ouverte, les dés sont jetés. À ma table, mes collègues m’encouragent à me porter candidat. Le poste de VP pourrait m’intéresser. Pendant que j’y réfléchis, mes yeux tombent sur la liste de candidature fixée au mur par du ruban adhésif. Le premier nom que je vois, c’est celui de mon collègue, Fred Geoffrion, délégué syndical en chef de la section locale 70008 du Syndicat des ressources naturelles. Il lorgne lui aussi le poste de VP. Je me retourne, je scrute la salle. Il est assis à sa table. On se regarde dans le blanc des yeux. Nous sourions, conscients que nous sommes en train de vivre la trame d’événements qui risquent de se produire en 2016 après la retraite du VP actuel.
C’est certain, on veut le poste de VP tous les deux. Nous en avons d’ailleurs parlé tout juste avant l’atelier, affirmant que c’était au meilleur de gagner. Beau à dire, mais ça ajoute du piquant dans l’affaire. Comment finira cette histoire?
Sur le coup, je ne sais plus trop où donner de la tête. On me pousse à ratisser la salle, à aller chercher des votes. Je m’exécute, même si je ne sais pas trop dans quoi je m’embarque.
Pendant ce temps, deux listes de candidats se forment et les postes de VP sont déjà pris. Je dois donc me résoudre à me présenter comme indépendant. Mon collègue, Corey Beauregard, lui aussi délégué syndical en chef dans ma section locale, vient tout juste de se déclarer indépendant. Je continue mon tour de salle. J’avoue, j’ai l’impression d’avoir été mis à l’écart, mais bon, c’est comme ça. Franck Binard, dans la course à la trésorerie, est lui aussi mis à l’écart. Il avale mal la pilule, mais persévère. Selon lui, les listes bloquées déforment le processus électoral. En ce qui me concerne, c’est quitte ou double.
Franck propose une espèce d’alliance informelle, histoire de briser les fameuses listes. Y a rien à faire, ce sont les règles du jeu. Nous, on aime pas trop le principe de la liste bloquée, qui oblige à voter en bloc pour tous les candidats sur la liste. On favorise plutôt le principe du vote libre, pour ainsi dire.
Après l’atelier, on se retrouve dehors à plusieurs pour discuter des idées de Franck sur les listes bloquées et le principe du « mieux placé » (best fit). À un moment donné, Mark Imbeault propose qu’on aille chercher l’appui de toute une flopée de membres qui participent à d’autres ateliers. L’idée nous plaît. C’est d’ailleurs une tactique qui a été utilisée dans d’autres courses électorales. Nous passons donc en mode lobbying, cherchant à convaincre des participants hors de notre groupe de participer au vote. L’exercice est intéressant, parce qu’il nous oblige à faire tomber nos œillères.
Nous passons la nuit à comploter. Avec Franck, Mark, Jennifer, qui s’était présentée à la trésorerie (une indépendante elle aussi), nous avons créé à notre manière notre propre liste bloquée. Voulait-on vraiment en arriver à ça?
Franck pose la question : est-il question du mieux placé? Les autres candidats comprennent-ils ce à quoi ils se sont engagés? Sont-ils prêts à se désister si d’autres candidats sur leur liste ne se font pas élire? Des questions qui m’ont certainement ouvert les yeux sur la complexité du processus électoral. Liste bloquée? Liste non bloquée? Les distinctions sont parfois floues, difficiles à faire. Cela dit, il y a une chose à laquelle nous n’avions pas pensé. Notre groupe s’est transformé en section locale, la section locale Montebello 2015. Nous avons en main une liste de délégués, soit chacune et chacun des participants du groupe. Aller chercher d’autres participants de l’École n’est plus une option dans ces circonstances.
C’est Cory, candidat indépendant, qui se fait élire à la présidence. D’entrée de jeu, il prend son rôle à cœur. Il propose la prolongation des heures d’ouverture de la piscine et de la salle de conditionnement et recueille à cette fin 300 $ en contributions pour couvrir les frais. C’est assez pour payer l’hôtel et pour remettre un généreux pourboire au gardien de la piscine.