Rémunération d’intérim

 

Quelques Principes

Par suite de l’élimination de postes et des réductions de personnel, les employées et employés peuvent se voir confier des tâches supplémentaires. En raison des restrictions financières, les gestionnaires risquent de subir des pressions accrues pour respecter leurs budgets ou réduire les coûts. Tandis que les employeurs s’acquittent de leurs obligations relatives à l’équité en matière d’emploi, les employées et les employés peuvent bénéficier de diverses possibilités de perfectionnement professionnel. Dans ces circonstances, ils peuvent avoir droit à une rémunération d’intérim.

Les conditions ouvrant droit à la rémunération d’intérim sont définies dans la convention collective. La disposition qui suit est extraite de la convention collective entre l’AFPC et le Conseil du Trésor pour le groupe des Services des programmes et de l’administration (dont la date d’expiration est le 20 juin 2007) :

64.07 a) Lorsque l’employé‑e est tenu par l’Employeur d’exécuter à titre intérimaire une grande partie des fonctions d’un employé‑e d’un niveau de classification supérieur et qu’il ou elle exécute ces fonctions pendant au moins trois (3) jours de travail ou postes consécutifs, il ou elle touche, pendant la période d’intérim, une rémunération d’intérim calculée à compter de la date à laquelle il ou elle commence à remplir ces fonctions, comme s’il ou elle avait été nommé à ce niveau supérieur.

b) Lorsqu’un jour désigné comme jour férié payé survient durant la période de référence, le jour férié est considéré comme jour de travail aux fins de la période de référence.

En interprétant le libellé de cette disposition de la convention collective, il importe de faire la distinction entre les conditions et les obligations. Il est alors plus facile de faire la part des choses entre ce que prévoit la disposition et ce qu’elle ne prévoit pas.

Pour que le droit à la rémunération d’intérim prenne effet, trois conditions doivent être satisfaites :

i)      L’employée ou l’employé est tenu par l’employeur d’exécuter à titre intérimaire une grande partie des fonctions d’un poste de classification supérieure;

ii)     L’employée ou l’employé exécute ces fonctions;

iii)    L’employée ou l’employé exécute ces fonctions au moins pendant la période de référence de trois jours de travail ou postes consécutifs.

Si les trois conditions sont réunies, l’employeur a l’obligation, en vertu de la convention, de :

  • payer la rémunération d’intérim;

  • calculer la rémunération d’intérim à compter de la date où l’employée ou l’employé commence à remplir ces fonctions;

  • verser la rémunération d’intérim à l’égard de la période où l’employée ou l’employé agit à titre intérimaire.

Une fois cela fait, il est tout aussi important de songer à ce que le libellé de la convention collective ne comprend pas. Par exemple, la disposition ne parle pas de « poste ». Elle ne fait pas allusion au remplacement d’un autre employé ou d’une autre employée. Elle ne fait pas état des fonctions d’un autre employé ou employée. Elle ne précise pas que le niveau de classification supérieur doit se trouver dans l’unité de négociation ou dans une hiérarchie particulière de postes. Elle ne fait pas allusion au degré de compétence avec lequel l’employé ou l’employée doit remplir les fonctions. Elle ne parle pas des initiatives de perfectionnement ou de formation. Il n’est pas question d’affectation ni de nomination officielle. Elle ne mentionne pas les demandes de l’employeur ou de l’employée ou l’employé qui ont entraîné la situation d’intérim. Elle n’assujettit pas le droit à la disponibilité de fonds. Autrement dit, il n’existe aucune autre condition, hormis les trois susmentionnées.

Le recours à la procédure de règlement des griefs pour résoudre les différends dus à l’interprétation de la convention collective a amené les arbitres et les tribunaux à créer une jurisprudence. C’est ce qui s’est produit dans le cas de la rémunération d’intérim.

Voici quelques principes extraits de la jurisprudence. Pour en savoir plus, consultez les causes énumérées sous la rubrique « Références ».

  1. Il n’est pas nécessaire que l’employée ou l’employé exécute ou soit capable d’exécuter chacune des fonctions du niveau de classification plus élevé pendant la période intérimaire. L’interprétation de l’expression « exécuter … une grande partie des fonctions » a été associée à une situation où l’employée ou l’employé en remplace un ou une autre. Par exemple, il se peut que l’employée ou l’employé remplace un membre absent du personnel de supervision et exécute les fonctions que cette personne aurait exécutées si elle n’avait pas été absente. Ou encore, l’employée ou l’employé peut travailler auprès d’un autre employé ou d’une autre employée d’un niveau de classification supérieur et « co‑exécuter » les tâches que cette autre personne exécuterait normalement pendant la période en question. Ou encore, l’employée ou l’employé exécute sa part des fonctions confiées à une équipe et participe aux décisions et activités de celle-ci dont les autres membres occupent des postes d’un niveau de classification supérieur. Ou, comme on en a décidé dans un cas particulier (Bégin et autres), lorsqu’il exécute environ 70 % des tâches du niveau de classification supérieur.

  2. Il peut exister une situation où l’employée ou l’employé croit que son poste a été incorrectement classifié. Normalement, un examen de la classification ou un grief de classification constitue le mode de redressement approprié. L’arbitre ne peut jouer le rôle de l’agent ou de l’agente de classification et décider si le poste a été ou non bien classifié. Toutefois, il peut établir si l’employée ou l’employé a droit à une rémunération d’intérim. Par conséquent, l’arbitre examinera attentivement les faits et les circonstances pour établir si, effectivement, le litige concerne une rémunération d’intérim ou la classification. Donc, tout dépendant des circonstances, l’arbitre peut être ou non saisi de l’affaire. Un arbitre a repéré certains des indicateurs en vertu desquels le grief concernait la classification et non la rémunération d’intérim :

  3. la revendication de rémunération d’intérim se poursuit et elle ne vise pas une période définie;

  4. le ou la fonctionnaire s’estimant lésé ou lésée a demandé une reclassification, soit de façon officieuse, soit par le biais d’un grief de reclassification;

  5. le ou la fonctionnaire s’estimant lésé ou lésée continue de remplir les fonctions qu’il ou elle a toujours exécutées, et seuls les niveaux de classification dans le lieu de travail ont changé;

  6. le grief concernant la rémunération d’intérim repose en partie sur une comparaison avec des postes semblables dans d’autres lieux de travail.

  7. Pour les employés et les employées des unités assujetties à Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, l’article 7 de celle-ci stipule que l’employeur a compétence exclusive en matière de classification. Dans des ministères ou organismes tels que la Défense nationale (MDN) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC), où l’employée ou l’employé peut être appelé(e) à assumer à titre intérimaire les fonctions d’un militaire ou d’un membre de la GRC, l’employeur pourrait convertir un poste en lui donnant une classification de la fonction publique (p. ex., un sergent de la GRC serait un AS‑02; un major serait un EG‑06) et décider de payer la rémunération d’intérim en fonction de la classification convertie. Il y a eu des cas où des employées et employés ont contesté la décision de l’employeur de ne pas verser une rémunération d’intérim au niveau salarial supérieur du militaire ou du membre de la GRC. En dépit de décisions antérieures et de changements apportés ultérieurement au libellé de la convention collective, l’issue de griefs semblables axés sur la version révisée des conventions collectives n’a pas encore été arrêtée.

  8. L’employeur pourrait retirer certaines fonctions d’une description de travail, accorder au poste une classification intermédiaire et fixer la rémunération d’intérim en conséquence. Le versement d’une rémunération d’intérim au niveau de classification intermédiaire pourrait ou non aller à l’encontre de la convention collective. Le critère en l’occurrence consiste à établir si l’employée ou l’employé exécute ou non une grande partie des fonctions du poste de niveau de classification supérieur (original).

  9. Le fait que l’employée ou l’employé se porte volontaire pour une affectation, par exemple, en demandant que sa candidature soit prise en compte s’il se présente des occasions de perfectionnement pour améliorer sa formation, son perfectionnement professionnel ou pour accroître ses chances de promotion, n’influe pas nécessairement sur son droit à une rémunération d’intérim. Ce qu’il faut établir ici, c’est si l’employeur a demandé ou non à l’employé ou à l’employée de remplir une grande partie des fonctions d’un poste d’un niveau de classification supérieur.

  10. Le terme « tenu » n’est pas synonyme de « requis ». Le fait d’être « tenu » peut être communiqué ou compris de façon explicite ou implicite. Le terme « requis » peut avoir deux sens, le premier correspondant à « exigence » et l’autre à « besoin ». Par exemple, l’employé ou l’employée pourrait être tenu ou tenue par les circonstances, au su et avec le consentement de l’employeur, par opposition à « être formellement instruit ou instruite » par directive verbale ou écrite expresse. Toutefois, lorsqu’il y a une demande, c’est-à-dire quand l’employeur adresse une demande à l’employée ou à l’employé, en réalité, l’employeur exige que l’employée ou l’employé exécute la tâche requise.

  11. Pendant une période de formation, l’employée ou l’employé peut avoir ou non droit à une rémunération d’intérim. Il s’agirait alors de savoir si, pendant la période en question, l’employée ou l’employé est tenue ou tenu par l’employeur d’exécuter une grande partie des fonctions du poste de niveau de classification supérieur.

  12. Le fait « d’exécuter … une grande partie des fonctions d’un employé‑e d’un niveau de classification supérieur » n’a rien à voir avec l’atteinte d’un certain niveau de compétence; exiger une telle condition aurait vraisemblablement pour effet d’enlever tout sens à la période de référence.

  13. L’employée ou l’employé a droit à la rémunération d’intérim même s’il ou si elle s’absente du travail ou qu’il ou elle ne travaille pas pendant un certain nombre de jours, pourvu qu’il ou elle exécute les tâches du poste de niveau de classification supérieur pour la période minimale exigée par la convention collective.

  14. Certains avantages comme le paiement de congés en argent, l’indemnité de maternité et l’indemnité de départ sont accordés en fonction du salaire du poste occupé par l’employée ou l’employé au moment où elle ou il en fait la demande. Il ou elle « a droit aux avantages qui lui reviennent par suite de la réputée affectation dans un poste intérimaire comme s’il ou si elle avait été officiellement nommé (e) dans ce poste pour toute la durée d’une telle affectation » (Gowers). (Toutefois, pour que les employées du Conseil du Trésor aient droit à une indemnité de maternité fondée sur le taux du salaire intérimaire, l’employée doit avoir occupé le poste intérimaire pendant une période continue de plus de quatre mois. Cette disposition découle d’une entente conclue en 1993 entre l’employeur et l’AFPC au cours d’une conciliation qui visait à régler des plaintes relatives aux droits de la personne et portant sur cette question.)

  15. Les négociations individuelles avec les employées ou employés violent les principes de la négociation collective. La jurisprudence précise clairement que les négociations collectives excluent les négociations « privées » qui nient aux employées et aux employés particuliers les droits que leur garantit une convention collective. La signature de l’employée ou de l’employé sur une entente écrite (p. ex., une entente d’affectation) ou l’acceptation par elle ou lui d’une entente selon laquelle il n’y aura pas de rémunération d’intérim n’empêche pas l’employée ou l’employé d’exercer ses droits prévus dans la convention collective.

  16. La rétroactivité résultant d’un grief portant sur une rémunération d’intérim est limitée à 25 jours avant la date du dépôt du grief, à moins qu’il ne puisse être établi qu’il y a eu, avant le dépôt du grief, des communications continues avec l’employeur concernant la rémunération d’intérim.

Textes de référence :

  1. Shanley(166-2-3044); Cuthill (166-2-12640 et 12641); Vanier (166-2-23562); Bégin et autres (166-2-18911 à 18917).

  2. Bégin et autres(166-2-18911 à 18917); Charpentier et Trudeau (166-2-26197 et 26198); Macri (166-2-15319); Sa Majesté la Reine du chef du Canada et Lenda Macri, [1988] F.C.J. no 581; Stagg c. Canada [1993] F.C.J. no 1393; Chadwick (166-32-31227; 2003 CRTFP 38); Tousignant et Paradis (166-2-31814 et 31815; 2005 CRTFP 13); Bungay, LeClair et Cleveland (166-2-32703, 32704 et 32705; 2005 CRTFP 40).

  3. Frey (166-2-28985; 2000 CRTFP 73)); Francœur (Procureur général du Canada et Julie A. Francœur, A-224-96 et 166-2-25922); Cleary (166-2-26108; T1533-96).

  4. Forster(166-2-16436).

  5. Vanier(166-2-23562); Cuthill (166-2-12640 et 12641).

  6. Leclerc(166-2-570); Shanley (166-2-3044); Reiner (166-2-13808); Cuthill (166-2-12640 et 12641).

  7. Few (166-2-17441); Trempe (166-2-14978); Beauregard, Dupere et Bourgon (166-2-26956 à 26958).

  8. Vanier(166-2-23562); Beauregard, Dupere et Bourgon (166-2-26956 à 26958).

  9. Manseau(166-2-20722); Maskeri (166-2-16892); Bachewich et Prokopchuk (166-2-19101 et 19102); Parnham (166-2-13998).

  10. Robert(166-2-17653); Allaire (166-2-19134); McLean (166-2-21049); Parent (166-2-27675); La Reine c. W. Gowers [1980] 2 C.F. 411; Circulaire du CT du 14 décembre 1993.

  11. Maritime Telegraph Co. and IBEW, Local 1030, 12 LAC (3d) 90; Syndicat catholique des employés de magasins de Québec Inc. c. Compagnie Paquet Ltée. 18 D.L.R. (2d) 346 aux p. 353-354 [1959] R.C.S. 206.

  12. Coallier(dossier A-405-83 de la CAF).