Lettre à Anita Anand, présidente du CT : Nous demandons de rendre des comptes

La lettre suivante a été envoyée par 16 syndicats représentant les travailleuses et travailleurs du secteur public fédéral pour exprimer notre opposition à la modification unilatérale de la directive du gouvernement obligeant tous les travailleuses et travailleurs du secteur public fédéral de l’administration publique centrale à travailler au bureau trois jours par semaine.

Le 8 mai 2024

L’honorable Anita Anand, C.P., députée
Présidente du Conseil du Trésor
Secrétariat du Conseil du Trésor
90, rue Elgin, 8e étage
Ottawa (Ontario) K1A 1A4

Madame la Ministre,

Nous vous écrivons pour vous faire part de notre profond désaccord et de notre indignation face à la récente décision de modifier unilatéralement la directive du gouvernement imposant à tous les employés fédéraux travaillant dans l’administration publique centrale de travailler sur place au moins trois jours par semaine, et exigeant le respect de cette même directive des employés fédéraux travaillant dans des organismes distincts.

Vous aviez signé une lettre d’entente par laquelle vous vous engagiez explicitement à collaborer avec les agents négociateurs. Pourtant, le Bureau du dirigeant principal des ressources humaines (BDPRH) a effrontément bafoué ses obligations légales et contractuelles en matière de travail, préférant s’engager dans des tractations en coulisses avec des politiciennes et des politiciens provinciaux et municipaux, des chefs d’entreprise et des membres de la direction. Ces agissements transpirent la trahison et le mépris, en plus de miner complètement le soi-disant respect de votre gouvernement envers les travailleuses et travailleurs et leurs élues et élus.

Cette décision a non seulement provoqué un tollé chez nos dizaines de milliers d’employés de la fonction publique fédérale, mais elle marque aussi la culmination d’années de non-respect envers les agents négociateurs et leur droit fondamental à être consultés sur les questions importantes qui concernent les employés de la fonction publique fédérale. Elle a réduit à néant la parcelle de confiance qu’il nous restait à l’égard des capacités du gouvernement à entretenir des relations de travail sérieuses et équitables. Ce manque de considération et l’absence de consultation causeront certainement la perte de confiance des employés de la fonction publique dans leur gouvernement, que la nouvelle obligation les concerne ou non.

Nous exigeons la responsabilisation du gouvernement et la réparation immédiate des préjudices causés sur les plans suivants :

  1. Absence de consultation et dégradation des relations de travail : La décision de modifier unilatéralement la politique de présence au travail révèle un manque flagrant de considération du gouvernement pour les agents négociateurs fédéraux, puisqu’il ignore non seulement les nombreuses lettres d’entente signées, mais bafoue aussi l’obligation prévue à la section 3 de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral. Elle va à l’encontre des principes sur lesquels reposent de saines relations de travail et témoigne du manque de sincérité du gouvernement libéral quant à son engagement à collaborer et à coopérer dans ce dossier.
  2. Consultation de façade : La rencontre du 1er mai avec le BDPRH, présentée comme une occasion de discuter de changements potentiels à la politique, n’était rien de plus qu’une farce. Au lieu d’un dialogue constructif, nous nous sommes fait imposer une politique décidée en secret qui ne tient aucunement compte du point de vue des agents négociateurs. La réponse condescendante du BDPRH à nos préoccupations légitimes est absolument inacceptable.
  3. Incapacité à mettre des politiques en place : Adopter une politique uniforme n’est pas une solution adéquate et démontre une certaine négligence. Nos membres ont fourni depuis 2022 d’innombrables exemples pour illustrer à quel point la politique actuelle du deux à trois jours par semaine est dépourvue de sens pratique et d’efficacité. De plus, il est ridicule de penser que l’on pourra se débarrasser de la moitié des espaces de travail dans les ministères si on augmente la présence minimale au bureau. Une telle décision repose aussi sur le consentement du personnel à continuer de travailler de la maison, ce que l’employeur ne peut exiger. L’incapacité du gouvernement à répondre à ces préoccupations, jumelée à ses plans vagues pour satisfaire aux besoins actuels en matière d’espace dans des délais ridiculement serrés, frôle la pure incompétence.
  4. Incidence sur la productivité et le bien-être du personnel : La décision d’augmenter le nombre de jours de présence au bureau déclenche de vives inquiétudes chez nos membres. Son application arbitraire d’un ministère à l’autre donne aux fonctionnaires le sentiment de ne pas avoir le soutien et les ressources nécessaires pour accomplir efficacement leur travail. Elle va également à l’encontre des propres données de l’employeur selon lesquelles 90 % des ministères à qui l’on a donné le choix ont décidé d’exiger au moins deux jours au bureau par semaine. Enfin, plusieurs agents négociateurs d’ici et d’ailleurs ont prouvé de façon tangible que le télétravail augmente la productivité et améliore la conciliation travailvie privée. Votre gouvernement se vante d’appuyer ses décisions sur des faits. Or, le bienfondé de cette politique n’a pas été prouvé et aucune Analyse comparative entre les sexes. Plus n’a été menée, ce qui témoigne d’une grande hypocrisie.
  5. Manque de confiance et de respect : Le manque de confiance et de respect flagrant dont fait preuve votre gouvernement est scandaleux. En ne consultant pas les agents négociateurs et en balayant du revers de la main les préoccupations légitimes de nos membres, vous avez renié l’essence même de la démocratie et de la gouvernance équitable. Nos membres ont collaboré de bonne foi lorsque leur vie a été bouleversée par le passage soudain au télétravail pendant la pandémie et ont persévéré dans ce mode de travail, malgré l’incapacité totale du gouvernement à leur offrir une rémunération juste, et plus récemment, une couverture d’assurance adéquate auprès de Canada Vie.

Compte tenu de ces manquements monumentaux, nous réclamons l’annulation immédiate du changement à la politique, une rencontre avec vous, Madame la Ministre, ainsi que des excuses sans équivoque. Si nos demandes sont ignorées, nous risquons de vivre un été marqué par l’agitation et les conflits de travail, car nous ferons valoir avec ferveur nos droits garantis par la Charte et notre liberté d’association.

Nous vous remercions de l’attention que vous porterez promptement à cette affaire. Nous nous attendons à ce que vous agissiez rapidement pour corriger la situation et protéger nos droits et ceux de nos membres.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre considération respectueuse.

Dany Richard, président, Association canadienne des agents financiers
David McNairn, président, Association des juristes de Justice
Nathan Prier, président, Association canadienne des employés professionnels
Justin Miller, président, Association des pilotes fédéraux du Canada
Mark Boucher, président, Guilde de la Marine Marchande du Canada
Helen Luu, présidente, Association des professeurs(es) des collèges militaires du Canada
Kathleen Hippen, présidente, Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 104 (SCFP 104)
Wanda Boudreau, présidente, L’Association des chefs d’équipes des chantiers maritimes du gouvernement fédéral
Yves Fournier, président, Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral est
Des Rogers, président, Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral ouest
Paul Cameron, gérant d’affaires/secrétaire financier, Fraternité internationale des ouvriers en électricité, section locale 2228
Pamela Isfeld, présidente, Association professionnelle des agents du service extérieur
Eva Henshaw, présidente intérimaire, Institut professionnel de la fonction publique du Canada
Chris Aylward, président, Alliance de la Fonction publique du Canada
Bernard Holbrook, président, Association des employés du Conseil de recherches
Jacqueline Pygiel, présidente, Unifor, section locale 2182

cc : Le très honorable Justin Trudeau, Premier ministre
Jagmeet Singh, Chef du Nouveau Parti Démocratique