Télétravail : un modèle monolithique, ce n’est pas une solution

Le Conseil du Trésor a annoncé le 1er mai que tous ses fonctionnaires devront travailler au bureau au moins trois jours par semaine à compter de septembre. Il fait toutefois fausse route : un modèle de télétravail à l’emporte-pièce ne s’applique pas à un effectif aussi diversifié que celui de la fonction publique fédérale.

La décision unilatérale du gouvernement viole le droit à la négociation collective de dizaines de milliers de fonctionnaires et la lettre d’entente sur le télétravail que nous avons obtenue de haute lutte lors de la dernière ronde de négociations.

La pandémie a démontré que nos membres peuvent effectuer la majorité, voire l’entièreté de leur travail à distance. Leur dévouement à l’égard de la population ne s’est jamais démenti.

Le télétravail a transformé nos façons de faire, et le gouvernement canadien est dans la position enviable de façonner l’avenir du travail au profit des travailleuses et travailleurs, mais aussi de leurs collectivités.

Des avantages pour le personnel… et les employeurs

Les preuves ne sont plus à faire : le télétravail comporte de nombreux avantages, entre autres sur le plan de la conciliation travail-vie personnelle, de la productivité, de la diversité et du dynamisme de la main-d’œuvre, et de la sécurité au travail.

Le télétravail a aussi changé la donne au chapitre de l’accessibilité et de l’inclusivité des milieux de travail. Il permet aux personnes qui vivent avec un handicap visible ou invisible d’accomplir leurs tâches dans l’environnement qui leur convient le mieux, et aux personnes autochtones et autrement racialisées de ne pas être exposées aux microagressions et à la discrimination. En outre, plus d’Autochtones pourraient s’intéresser à une carrière de fonctionnaire s’ils n’avaient pas à quitter leur communauté. Ce mode de travail permet aussi de bâtir une fonction publique plus représentative de notre société.

La flexibilité au travail est aussi un atout pour les nouveaux parents, qui peuvent passer plus de temps avec leurs enfants en semaine. Elle favorise l’équité entre les genres et évite aux travailleuses d’avoir à choisir entre leurs obligations familiales et leur avancement professionnel. Un sondage de Statistique Canada montre clairement que les employées en télétravail peuvent consacrer plus de temps à leur foyer et leurs enfants.

Les travailleuses et travailleurs ne sont pas les seuls à tirer profit de régimes de travail souples; les employeurs y trouvent aussi leur compte. Des études montrent que travailler à la maison rehausse la productivité, réduit les interruptions et améliore la gestion du temps. Ça ne date pas d’hier. La Presse publiait déjà de l’information à ce sujet il y a plus d’une décennie.

Des avantages pour les collectivités

Le télétravail, c’est une occasion en or de puiser dans le bassin de talents du pays entier. Une fonction publique qui se fait le miroir de toutes les réalités, celles des centres urbains et des villes côtières comme des communautés autochtones, est le gage de politiques adaptées à tous les besoins.

Permettre aux gens de choisir leur lieu de travail répartirait les emplois du secteur public dans tout le pays, plutôt que principalement dans la capitale. L’ensemble des économies locales en profiteraient, en particulier celles des petites villes et des collectivités rurales, tout en favorisant la stabilité des emplois. Durant la pandémie, plusieurs petites communautés de la grande région d’Ottawa-Gatineau ont prospéré grâce à cette nouvelle flexibilité, les travailleuses et travailleurs fréquentant plus de commerces de proximité. En outre, un article publié par l’IRIS révèle que pour chaque dollar de dépense dans le secteur public, entre 1,09 $ et 1,28 $ sont ajoutés à l’économie canadienne. Le télétravail des fonctionnaires peut faire toute la différence pour les petites communautés qui se serrent la ceinture.

Cette souplesse est aussi écologique, car elle réduit les déplacements quotidiens, diminuant les émissions de gaz à effet de serre et les embouteillages. Les bureaux à domicile sont souvent moins énergivores que ceux des grands immeubles désuets. La qualité de l’air des zones urbaines s’en porte mieux, et la pollution sonore diminue.

La population comprend les avantages des régimes de travail à distance. Un sondage mené par Abacus Data révèle que 69 % des Canadiennes et des Canadiens pensent que les fonctionnaires devraient avoir la possibilité de travailler de la maison à temps plein ou à temps partiel. 

De plus, la majorité des personnes sondées estiment que le gouvernement fédéral devrait montrer l’exemple et proposer un régime de travail flexible dans la mesure du possible. La population ne se soucie pas de l’endroit où les fonctionnaires effectuent leur travail, tant qu’il est fait à temps. 

Vous avez répondu

Vous êtes plus de 65 000 à avoir répondu au sondage de l’AFPC sur le télétravail, dont au moins 10 000 dans la région de la capitale nationale. Voici ce qu’il en est ressorti :

  • 84 % d’entre vous s’opposent catégoriquement au retour au bureau trois jours par semaine.
  • Le travail au bureau porte un coup dur à votre santé mentale, votre capacité de prodiguer des soins à votre entourage, votre satisfaction professionnelle et votre productivité.
  • Plus de la moitié d’entre vous ont de la difficulté à obtenir des mesures d’adaptation, ce qui vous oblige à travailler dans un milieu où vous n’êtes pas en sécurité.
  • Selon 75 % d’entre vous, il n’y a pas assez de postes de travail pour tout le monde.

Le gouvernement a pris une décision taille unique sans se fonder sur des preuves et sans en calculer le coût. Il est impératif qu’il s’engage à étudier toutes les demandes de télétravail au cas par cas pour répondre aux besoins de TOUS les fonctionnaires fédéraux. C’est ce qu’il y a de mieux pour les personnes salariées, les employeurs et la société tout entière.