Larry Rousseau présente quelques réflexions sur l’action politique ainsi que les élections québecoises

Les derniers mois se sont avérés extrêmement stressants et inquiétants pour tous les fonctionnaires fédéraux qui se dévouent à fournir des services de la plus haute qualité au public. Plusieurs parmi nous détestent l’expression « serviteur publique » car elle évoque la notion de la bonne servante de cuisine ou du jardinier des temps plus anciens qui vivaient des conditions d’emploi épouvantables. Cependant, je crois que le mot « publique » donne à l’expression “serviteur publique” un sens plus noble, remplit d’honneur. Lorsque j’étais adolescent, il était de rigueur dans notre région d’avoir un emploi au gouvernement fédéral. Le tout étant associé à la notion de rendre service dans le cadre de la bonne gouvernance, de la paix, et du bien-être (ou de l’ordre public si on se joignait au service militaire ou aux forces de l’ordre).

Aujourd’hui, le mot “publique” dans tout son sens de service au public est dénigré et rabaissé. L’expression « serviteur publique » n’emporte plus l’idée de vocation qu’elle avait auparavant. Si aujourd’hui la société en général considère les gouvernements comme étant trop dispendieux, trop inefficaces, et tout simplement mauvais, ceci est le résultat de campagnes propagandistes efficaces du secteur privé corporatiste. On dirait que notre jeunesse ne voit plus une carrière dans la fonction publique comme étant particulièrement attrayante et le gouvernement n’attire plus les personnes talentueuses comme autrefois, sauf quelques exceptions dans les catégories professionnelles spécialisées.

L’AFPC, de même que ses membres, se trouvent complètement pris dans cette tempête. La plupart d’entre nous aiment leur travail et ne veulent pas quitter leur emploi, surtout pas de façon involontaire. Lorsque le gouvernement au pouvoir est fondé sur une philosophie de la destruction systémique des services publics au profit du secteur corporatif, les employé (e)s syndiqué (e)s utilisent tous les moyens à leur disposition pour au moins sauver les meubles. Plusieurs personnes (tant à l’intérieure qu’a l’extérieure de la fonction publique) me disent : « Mais voyons, Larry, les coupures ne sont pas si graves, environ 5 ou 10 % de la fonction publique est encore énorme! » Bien sur, mais notre pays est aussi le 2e en importance territoriale au monde et la taille de la fonction publique fédérale est bien en deçà de la masse critique que plusieurs experts croient nécessaire au maintien d’une prestation efficace et de qualité de services publiques auxquels les Canadiens s’attendent. Le niveau idéal se trouverait à environ 1 % de la population canadienne ce qui veut dire environ 340 000 fonctionnaires fédéraux, excluant les militaires et les policiers de la GRC. Le niveau actuel est d’environ 275 000 suite aux coupures en vigueur, et tombera à environ 245 000 lorsque le mandant du gouvernement Conservateur actuel prendra fin en 2015‑2016. 

Durant les trente dernières années,  le climat de travail en termes de morale à la fonction publique fédérale en ce moment est à son plus bas niveau. On doit se taire, garder les yeux cloués au sol et ne jamais au grand jamais remettre en question les décisions (politiques) du gouvernement Conservateur. Aux plus hauts niveaux (exécutifs) de la fonction publique on peut constater la peur réelle de perdre son emploi si jamais on est perçu comme étant trop lent, trop mou, ou trop réfractaire dans la mise en œuvre des ordres du Bureau du premier ministre ou du Conseil privé. L’effet sur tous les rangs inférieurs à travers la fonction publique est parfaitement pervers. L’AFPC et jusqu’à un certain point les deux autres importants syndicats fédéraux (l’Institut professionnelle de la fonction publique du Canada, et  l’Association canadienne des employés professionnels), sont les seuls joueurs capables de contrer les avances du gouvernement Conservateur. L’AFPC le fait surtout par le biais de l’action politique et voilà ce qui explique les attaques sauvages contre nos syndicats. Ceux qui croient que les syndicats devraient ravaler ses mots ignorent ou veulent oublier l’histoire qui prouve justement que les meilleures avancées réalisées par les travailleuses et travailleurs arrivent lorsque l’employeur est confronté par les syndicats. Si les syndicats baissent pavillon et se taisent, avalant absolument tout ce que l’employeur impose (au nom de la survie de l’économie et du pays, ce qui est très discutable) il ne restera plus aux syndicats qu’à fermer leurs portes devant l’inutilité de leur existence. Ce qui serait PRÉCISÉMENT le but du gouvernement Conservateur. 

En fin de semaine dernière un avion survolait brièvement la région portant une bannière “StephenHarperNousDéteste”, avant d’être forcé à atterrir par les services de sécurité. Le gouvernement, de par ses actes, a seulement réussi à prouvé à un grand nombre de canadiens qu’il trouve le message inacceptable et surtout gênant. La GRC a fait directement savoir à l’AFPC que le message pouvait constituer des propos haineux et donc menaçants contre le Premier Ministre Harper. Ce qui tombe dans le domaine du ridicule, et confirme que l’AFPC a trouvé et touché un point très sensible du gouvernement. Une critique du Premier Ministre, c’est de la liberté d’expression et non l’expression de propos haineux. La liberté d’expression est non seulement sacrée dans notre société mais elle est aussi garantie par la Charte canadienne des droits et libertés qui est enchâssée dans la constitution canadienne. À maintes reprises, le gouvernement fédéral Conservateur nous indique qu’il trouve la Charte carrément gênant. Devons-nous rappeler les questions portant sur les gais, les groupes d’équité, et j’en passe car la liste serait trop longue à énumérer? L’AFPC a bien l’intention de continuer les vols dans les semaines qui viennent dans le but de démontrer clairement qu’elle poursuit la lutte pour la défense de ses membres et des services publiques, services que le gouvernement Conservateur détruit de façon systémique et continue, et chaque semaine on en ajoute à une liste déjà trop longue.

Dans le cadre des droits et libertés garantis pas la Charte canadienne des droits et libertés, l’AFPC a une politique (23B) qui assure à ses membres le droit de croyance et d’allégeance politique en toute liberté au sein du syndicat. Ce qui veut dire que chaque membre de l’AFPC a le droit de supporter et de voter pour le parti ou le candidat de son choix, des Conservateurs aux Communistes en passant par les Verts et en finissant par tout parti ou mouvement légalement constitué sous les lois canadiennes. Ce qui inclut le Bloc Québécois, Québec Solidaire, le Parti Québécois et tout autre parti souverainiste. Par exemple, dans les années 1990 Stephen Harper avait menacé de construire un pare-feu autour de la province de l’Alberta surtout en réponse aux politiques énergétiques et sur les ressources naturelles du gouvernement Libéral à l’époque. Et s’il avait voulu fonder son propre parti politique souverainiste il en aurait eu le droit, garanti sous la Charte. Et si les fonctionnaires fédéraux en Alberta incluant les membres de l’AFPC avaient voulu l’appuyer, personne ni au sein de l’AFPC ou en dehors de l’AFPC n’aurait eu le droit de l’empêcher.

L’AFPC n’appui pas et n’a jamais appuyé la souveraineté. Jamais dans toute son histoire. Il n’existe tout simplement pas de résolution en ce sens. Toutefois, une résolution avait été adoptée au congrès de 1990 appuyant le droit du peuple Québécois à l’auto-détermination. Ce qui respecte entièrement la politique en vigueur (23B) de l’AFPC qui garantit à tout membre de l’AFPC le droit d’appuyer ouvertement et sans entrave le parti politique de son choix.  J’aimerais souligner que ceci inclut le parti Conservateur, responsable des coupures des services et d’emplois publiques fédéraux. En effet, dernièrement à la radio d’Ottawa (CFRA, l’émission de Lowell Green) dans un forum populaire un appelant était estomaqué à l’idée qu’un travailleur fédéral au Québec voterait pour la souveraineté, ce qui pourrait mener à la perte de son emploi. La réplique logique serait qu’un travailleur fédéral votant pour les Conservateurs garantit des pertes d’emploi à l’heure actuelle, sans attendre la souveraineté. Question de perspective.  Point final.

Il appartient au peuple Québécois de décider de la souveraineté, ce qui en fait un débat et une situation très émotifs parmi les Canadiens à l’extérieur du Québec. Car nous nous trouvons à l’extérieur, témoins de ce qui se passe à l’intérieur. Il est extrêmement important de souligner que nos actions et réflexions ont une influence certaine sur les décisions des Québécois qui se trouvent à l’intérieur, témoins de ce qui se passe à l’extérieur. Soyons des plus respectueux du droit d’expression de nos consœurs et confrères membres de l’AFPC et de tous les fonctionnaires du fédéral qui vivent au Québec. Nous pouvons ne pas être d’accord avec leurs croyances et allégeances politiques, peu importe lesquelles. Mais posons le bon geste, et restons dans le droit chemin. Défendons le droit de tout Canadien de s’exprimer librement dans le cadre de ce qui est permis dans une société libre et démocratique, même si cela nous est personnellement très difficile ou offensant. Soyons à la hauteur du pays magnifique que nous sommes.

En toute solidarité,

Larry Rousseau
Vice-président exécutif régional
Région de la capitale nationale
Alliance de la fonction publique du Canada